Le temps entre la naissance et la capacité à marcher pour un animal est intimement lié à sa place dans la chaine alimentaire. L’ancêtre du chien domestique, le loup, s’y trouve assez haut et son développement est donc relativement lent. Les prédateurs mettent plus de temps à développer leur coordination, leur mobilité, leurs tactiques de chasse et de défense. Au contraire les proies, comme les chevaux, peuvent courir quelques heures seulement après leur naissance.
Le chien est une espèce très variée, on retrouve un large éventail de races dont la morphologie varie du chihuahua au mastiff. Le type de race (de toy à géant) influence la vitesse de la croissance et l’âge auquel le chien atteindra sa taille adulte. Il faut donc prendre en compte le rythme de croissance de son chiot et adapter le type ainsi que l’intensité de ses activités.
Taille du chien |
Races |
Fourchette de poids (kg) |
Période de croissance rapide |
Temps de croissance jusqu’à l’âge adulte |
Toy |
Chihuahua, Spitz nain, Bichon maltais, Caniche nain |
>5 |
Naissance – 11 semaines |
6-12 mois |
Petit |
Jack Russell, Teckel, Carlin, miniature Schnauzer |
5-10 |
Naissance – 14 semaines |
8-12 mois |
Moyen |
Border Collie, Cocker, Beagle |
10-25 |
Naissance – 16 semaines |
8-18 mois |
Grand |
Berger allemand, Labrador, Golden retriever, Bulldog anglais, Boxer, Husky |
25-40 |
Naissance – 18 semaines |
11-18 mois |
Géants |
Dogue allemand, Mastiff, St. Bernard |
>40 |
Naissance – 20 semaines |
12-24 mois |
Fig 1. Rythme de croissance chez les chiens - Hawthorne et al 2004
1. Anatomie : les bases
Les os longs (Fig. 2) structurent et renforcent l’appareil locomoteur. Le cartilage de conjugaison (aussi appelé cartilage de croissance) permet aux os longs de poursuivre leur allongement jusqu’à ce que le chien ait atteint sa taille adulte. Il se transforme ensuite en os. Ce processus s’opère à différents moments en fonction du type et de la localisation des os (Fig. 3)
Fig 2. Les étapes de l’ossification endochondrale.
(A) Un modèle cartilagineux est présent dès le stade embryonnaire (B) L’ossification primaire commence à partir du cœur (diaphyse) (C) L’ossification secondaire apparaît aux extrémités (épiphyses) (D) L’ossification secondaire se poursuit ; les ostéoclastes commencent à disparaitre du cœur pour laisser place à la cavité médullaire où on retrouvera la moelle osseuse. (E) Les premiers cartilages de conjugaison fusionnent et la croissance ne se fait que du côté du cartilage proximal. La cavité médullaire s’étend dans l’épiphyse. (F) Le cartilage de conjugaison proximal fusionne et la croissance osseuse s’arrête.
Dans les années 1700, John Hunter, un chirurgien écossais étudia les cartilages de conjugaison en détail. Son étude de la croissance des poules montra alors que les os ne grandissent pas du centre vers l’extérieur, mais aux extrémités, là où se trouve le cartilage de conjugaison. (Fig. 2. (D)). Comme il s’agit de cartilage, ces zones sont vulnérables et sujettes aux blessures.
2. Premiers pas : Étape néonatale
Il faut près de deux semaines à un chiot pour ouvrir ses yeux et pendant cette période, sa mobilité est très réduite : il ne peut que ramper près de sa mère et de ses frères et sœurs.
Au premier abord, sur une radio d’un chiot nouveau-né, on dirait qu’il n’a pas d’articulation ! En effet, les extrémités des os longs se composent de cartilage et le cartilage n’est pas très visible sur une radio. De cette manière le chiot nouveau-né possède une structure suffisante pour se déplacer un petit peu et grandir rapidement (Fig. 3).
Fig 3. Radio d’une patte arrière d’un chiot. J+3 à J+55.
3. Les premiers jours
À partir du moment où le chiot ouvre les yeux (entre J+10 et J+14) il devient de plus en plus mobile. Dès 4 semaines, il explore toute sa caisse de mise bas ou son parc et commence à jouer avec ses frères et sœurs.
Entre 2 et 4 semaines, les chiots se développent rapidement et apprennent à interagir avec leurs congénères, ils commencent à entendre, sentir et leurs dents poussent. Ils réguleront leur niveau d’activité mais il faudra s’assurer que l’environnement ne présente pas de danger (sol glissant par exemple). Pendant cette période il faudra éviter les escaliers ou autres activités pouvant induire un stress important sur les membres.
4. Quitter la portée
Entre 8 et 12 semaines, les chiots sont prêts à quitter leur mère et la portée. Ils commencent à manger de la nourriture solide et sont indépendants. Cette période est à la fois excitante et déconcertante pour les chiots et leurs propriétaires.
De même que durant les premiers jours, il faudra veiller à minimiser certaines activités comme monter les escaliers ou jouer sur des surfaces dures et/ou glissantes. En règle générale, les chiots peuvent jouer autant qu’ils le souhaitent sur une bonne surface comme un gazon ou de la moquette. En ce qui concerne l’apprentissage de la laisse, il est recommandé de compter environ 5 minutes par jour pour chaque mois de vie. Il faudra surveiller les périodes de jeu avec d’autres chiens plus âgés pour minimiser les risques de blessure. On évitera également les activités comportant des virages serrés.
5. Régime alimentaire et nutrition
Il s’agit d’un vaste sujet que nous survolerons ici.
a. Quel aliment pour quel besoin ?
Un éleveur expérimenté et responsable devrait pouvoir vous éclairer sur comment nourrir au mieux le chiot de la race que vous avez choisie. Dans tous les cas, il faudra nourrir le chiot avec la même alimentation qu’il recevait dans son élevage d’origine et tout changement devra se faire progressivement. Pendant les 12 premiers mois, il est crucial d’adapter le régime alimentaire aux besoins énergétiques importants du jeune chien en croissance. Sous-alimenter un chiot entraînera des retards de croissance. Au contraire, une suralimentation conduira à une surcharge pondérale induisant un stress supplémentaire sur les membres et les articulations immatures. Les grandes races sont davantage sujettes à une suralimentation que les races plus petites.
b. Éléments clés de l’alimentation
- Calcium : vital pour le développement et la préservation du capital osseux. Les chiots ont des besoins plus importants que les adultes (0,1-0,2 mmol/L par jour). Trop de calcium peut cependant conduire à une ostéochondrose, en particulier chez les grands chiens. Trop peu peut engendrer des fractures pathologiques.
- Vitamine D : crucial pour le développement osseux et l’absorption du calcium.
- Protéines : elles jouent un rôle important dans la croissance des chiens. Lors du sevrage, les besoins journaliers en protéines atteignent 22%-23%. Ils varient en fonction de la race et de la taille de votre chiot. Les grandes races ont tendance à avoir des besoins importants sur le plus long terme. Attention cependant, un excès de protéines peut entraîner des problèmes comme une dysplasie de la hanche résultant ensuite à des problèmes dégénératifs articulaires et de l’ostéoarthrite.
- Phosphore : des études suggèrent qu’il se combine avec le calcium pour renforcer la structure des os.
6. L’adolescence
Pendant cette période et jusqu’à l’âge adulte le cartilage de conjugaison s’ossifie.
Les risques de blessure diminuent lorsque votre chiot joue avec d’autres et vous pouvez faire des balades plus longues. On recommandera tout de même de limiter les temps de jeux sur des surfaces dures. Si vous destinez votre chien à l’agility, assurez-vous de commencer progressivement et sur une surface adaptée. Attendez encore un peu avant d’entamer les bonds et autres sauts.
Fig 4. Âge de l’ossification des cartilages de conjugaison en fonction de la taille
7. Vers l’âge adulte
Comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessus (Fig. 4), l’âge auquel le cartilage de conjugaison se ferme varie largement en fonction de la race et de la taille de votre chiot ainsi que de l’intensité d’exercice. Dans la majorité des cas, ce processus est terminé vers l’âge d’un an. À noter que les mâles ont tendance à finir de grandir plus tard que les femelles.
8. Du rôle des hormones
Les hormones ont un impact sur l’âge auquel le cartilage de conjugaison fusionne. En règle générale, cela coïncide avec la fin de la puberté. Chez les chiens non stérilisés, ce cartilage se referme après l’exposition aux hormones. Ainsi, tous les individus d’une même race n’atteindront pas leur maturité en même temps. Chez les femelles ou les mâles stérilisés avant la puberté, on note souvent un retard de fusion. Cela peut conduire à une croissance prolongée des membres et induire des problèmes comme la dysplasie de la hanche, des blessures aux ligaments croisés et même aller jusqu’au cancer des os.
Lecture recommandée
Les désordres hormonaux chez les chiens stérilisés
9. Comment savoir si les cartilages de conjugaison ont fusionné ?
Le seul moyen de savoir est de faire une radio. Votre vétérinaire sera alors à même de vous indiquer si les cartilages de croissance sont calcifiés. (Fig. 5).
Fig 5. Cartilage de conjugaison ouvert et fusionné.
10. Problèmes courants
a. Dysplasie de la hanche.
L’articulation de la hanche est formée à partir du cartilage présent à la naissance. Elle consiste en une sphère (tête fémorale) à l’extrémité du fémur se logeant dans une dépression située dans l’os de la hanche qui se transforme en l’acétabule (ou cavité cotyloïde). Pendant la croissance, cette transformation n’est pas tant dictée par la génétique mais plutôt par l’action du membre dont le mouvement stimule le développement de l’os. Si la tête fémorale n’est pas maintenue en place pour quelque raison que ce soit, l’acétabule sera déformée. On parlera alors de dysplasie de la hanche (Fig 6.)
Fig 6. Schémas de la dysplasie de la hanche.
Chez les races telles que les lévriers, les cas de dysplasie sont très rares car leurs hanches sont soutenues par des muscles très développés. Au contraire, chez les bergers allemands la musculature pelvienne est moins développée, entraînant une prédisposition à la dysplasie, en particulier ceux ayant une forte inclinaison du dos.
À 6 mois, la calcification des os et le renforcement des tissus (muscles, ligaments et tendons) devraient participer à la prévention de la dysplasie de la hanche.
b. Blessures du cartilage de conjugaison
En cas d’atteinte du cartilage de conjugaison, la croissance des cellules endommagées peut être ralentie voire stoppée. Si la croissance est altérée d’un côté, mais continue de l’autre, on peut voir apparaitre une asymétrie ou une déformation des membres.
L’une des zones les plus souvent affectées chez les chiens est celle des membres antérieurs : la croissance de l’ulna est stoppée alors que celle du radius se poursuit résultant en un membre arqué.
Les causes communes de blessures au cartilage de conjugaison sont les accidents avec un objet en mouvement (par exemple un chien se faisant heurter par une voiture) ou des impacts répétés (emmener un jeune chien faire un jogging, ou le faire sauter pour attraper une balle, en particulier sur des surfaces dures).
Tout traumatisme subit par les cartilages de conjugaison peut avoir un impact allant de maladies dégénératives articulaires à l’ostéoarthrite.
Lecture recommandée
Comment soulager l’arthrose de mon chien ?
Références
1.https://www.discovermagazine.com/planet-earth/why-baby-animals-can-walk-so-much-sooner-than-human-infants
2.https://www.instituteofcaninebiology.org/blog/archives/12-2015
3. https://www.researchgate.net/profile/Georgia-Lewis/publication/333118590_Musculoskeletal_Development_of_the_Puppy_Birth_to_Twelve_Months/links/5cdc8200299bf14d959c443d/Musculoskeletal-Development-of-the-Puppy-Birth-to-Twelve-Months.pdf?origin=publication_detail
4.https://www.confident-canines.co.uk/blog/51-how-much-exercise-should-my-puppy-have
5. https://veteriankey.com/skeletal-system-2/
6. https://www.hluhluwe.ch/articles/puppy-bones
7. https://pethelpful.com/dogs/Guide-to-Hip-Dysplasia-in-Dogs
8. amartinvetphysio.com